samedi, mai 12, 2007

[Mon] Cahier de Doléance

Je veux des yeux à déchiffrer sur la taie
Des après-midis enfoncés dans le divan
Chamailleries s'effritent comme la craie
Des promesses d'escapades vers l'orient.

Je veux des quotidiens decibels
Les tracklist et circuits imprimés
Erigent ma propre Tour de Babel
Sirènes noyées et Aedes décimés

Je veux des arrière-plans ensoleillés
Exiler les stratus et cumulo-nimbus
Etoffes bariolées, unies ou dépareillés
qui cèdent au fructus, usus et abusus.

Je veux ma porte et 10000 kilomètres
Chiner, fouiner dans tous les duty-free
Plaisir avoué que de m'envoyer paître
Et de se défaire du macadam à tout prix.

Je veux à l'instar des élans osés de 1789
Que mes prières impies soient entendues
Qu'il cesse de regarder par l'oeil-de-boeuf
Que l'invisible nous rende ce qui nous est dû.

Ah ça ira, ça, ça ira... Mieux demain ?

jeudi, avril 19, 2007

Place des Grands Hommes

On s'était dit rendez-vous dans cinq ans.




J'ai du passer quelques centaines de fois devant le Musée Fabre pendant mes trois ans à Montpellier, sombre baraque en retrait toujours cachée par une vulgaire palissade de métal. Jolie façade sans prétention mais qui ne donnait absolument pas envie de pénétrer le bâtiment... Un chantier quoi.

J'ai eu l'occasion de visiter l'annexe du musée en 2005 lors d'une exposition sur la restauration d'un tableau mais quelle déception, aucune oeuvre majeure et rien ne m'a marqué si ce n'est le fameux tableau qui faisait peau neuve pendant l'évènement sous les yeux passionnés des visiteurs. Ce tableau trône aujourd'hui dans la cage d'escalier du nouveau musée Fabre. On ne peut en apprécier la teneur symbolique qu'en l'admirant du premier étage, accoudé sur la rembarde de l'escalier. Au Salon Carré Du Louvre exécuté par Louis Béroud en 1883, nous plonge dans une ambiance feutrée et chuchotante, telle que doit l'être - de convention - un vrai musée qui se veut reflet du respect muet que l'on accorde aux artistes de ces lieux et d'ailleurs.


Le jour de la visite du Nouveau Musée Fabre, j'ai été frappé par la différence du semblant de ruine devant lequel j'avais l'habitude de passer et cette blanche façade précédé d'une superbe pelouse golfesque. Quel choc ! Et cette allée striée par Buren montre le chemin à suivre, celui d'une aire entièrement vouée au beau. Une allée qui fait de chacun de nous un esthète capable d'aimer des toile recouvertes de couleurs soigneusement sélectionnées et mixées par des hommes et des femmes passionnés. Plus de 800 oeuvres réparties sur plus de 9000 m² autant dire que quelques heures sont recquises pour en apprécier le contenu.

Après avoir traversé un sas aux couleurs agressives mais tellement aguicheuses, on pénètre dans le hall, résolumment moderne. Suis-je le seul à avoir eu cette impression ? Celle de me retrouver dans le cratère d'un volcan. Des couleurs caverneuses, le béton et un carrelage noirâtre se mêlent à un mobilier et une signalétique aux couleurs sanguines. Un climat bouillant qui transporte le visiteur aux confin des entrailles de la terre, tenaillé par l'angoisse affriolante de la roche volcanique et du magma en fusion. Une fois dépassé le controle des cerbères de la sécurité, les hôtes de ces lieux empruntent une rampe à pente douce qui conduit dans un grand espace superbement éclairé par une verrière des plus généreuses. Une seule sculpture trône au mileu de la pièce et l'habille royalement.

C'est par cette grande salle que l'on accède à la première partie de la collection. Cinq pièces entièrement consacrées à la peinture flamande et hollandaise. Bien que peu enclin à m'en délecter, car trop légèrement inspiré, je me prends au jeu et commence avec un plaisir non feint à parcourir ce circuit. Des noms qui ne vous sont certainement pas étrangers fouettent mon regard comme Bruegel, Rubens. Les natures mortes m'ont vraiment captivé, cette aptitude à reproduire tellement fidèlement la chair d'un fruit ou un reflet sur de la vaisselle en étain est proprement stupéfiante. Un tableau a particulièrement capté mon attention, malheureusement le nom de l'artiste m'a échappé : Une femme âgée vêtue de noir sur un fond non moins sombre arbore une fraise si minutieusement peinte qu'on la jurerait appliquée sur la toile par DAO tant la finition atteint une perfection envoûtante. Ce mot n'est pas de trop, j'ai été happé par l'absolue finition de cette merveille... La violence qui émane de certaines toiles est assez terrifiante, notamment dans certaines scènes de chasse ou viscères et boyaux n'hésitent pas à s'exposer au vu et au su de tous les visiteurs, à hauteur d'yeux des amateurs d'art en culotte courte. Des paysages italianisants se succèdent dans une atmosphère tout septentrionale dans des pays où les couleurs se devinaient plus qu'elles ne se copiaient.

Une fois sortis de cette série de pièces, nous filons droit vers le fameux escalier pour accéder à la collection de l'époque moderne. Des pièces percées de fenêtres, plus hautes, plus épurées mais non moins intéressantes. Le premier tableau sur lequel j'ai posé les yeux était un pastiche tout à fait original du Jugement Dernier de Michel-Ange. Des personnages aux muscles si saillants que cela en devient presque dérangeant mais j'ai réellement apprécié cette toile. Face à elle, une toile de - je vous le donne en mille - Véronèse, une femme à la chair tendre et laiteuse dont il avait le secret. La salle suivante arbore sur ses murs des artistes comme Vouet, Le Dominicain, Blanchard, Bourdon. Les oeuvres de ce dernier, protégé de François-Xavier Fabre sont très présentes sur les murs du musée. Suit une petite pièce, une sorte de sas, qui présente en son sein une vitrine où s'alignent des reproductions miniatures de sculptures ayant traversé les siècles : L'Apollon et Daphnée du Bernin, la Statue Equestre d'Henri IV, celle qui toise de son haut les passants du Pont-Neuf à Paris. Les salles suivantes abritent encore beaucoup de tableaux de Bourdon et un certain nombre de portraits.

Je vais à partir de maintenant cesser de décrire chacunes des pièces qui composent le musée pour laisser le plaisir aux futurs arpenteurs mais simplement énumérer quelques-uns des artistes qui ont eu les faveurs de ma mémoire : David, Vien, Delacroix, Houdon, Vigée-Lebrun, Manet, Bazille, Denis, Hugo, Viallat, Soulages, Hantaï et bien sur Courbet... Ces quelques génies se font la part belle dans une collection réellement exceptionnelle, au sein de laquelle toutes les pièces valent le coup d'oeil. Ah j'allai oublier, cette superbe galerie où trois oeuvres de Coypel relatant l'histoire d'Enée et Didon occupe une large surface d'un côté du mail. Des bustes de Coysevox sont venus se nicher entre les colonnes de stuc qui s'imposent massivement aux extrémités de la galerie.

Je ne m'étendrai pas non plus sur l'exposition temporaire qui fut un vrai enchantement grâce à un guide avisé qui sait faire naître l'interêt, voire la passion. Un hommage au galeriste Jean Fournier, disparu en 2005, qui a fait connaître au grand public des artistes tels Hantaï ou Viallat et il est à noter qu'il a renforcé le mouvement Supports-Surfaces. Une visite éclairante.

Je me suis rendu trois fois (merci la carte d'étudiant en art) en quelques jours dans cet havre de paix, j'ai vraiment eu un coup de coeur. Et puis dans les musées, il y a toujours cette impression que tout ce qui les habite ne vous veut que du bien.

mercredi, janvier 24, 2007

Ma Seconde

Il m’en faut des milliers
Pour atteindre l’ultime,
Celle pour qui l’on est
Longtemps élue énigme.

Escorté de Julien, Alex,
Enguerrand ou Mézigue
En nœuds complexes
Mes soins je prodigue.

C’est ma seconde nature
Elle occulte ma première
Je déclame ma douce torture
Pour accéder à ma dernière.

Tout passe au second plan
Quand l’heure est au froissé
Ma prédilection c’est le blanc
Et je réclame ma Panacée.

Je cherche de mes lèvres
Les modelés de son faciès
Mais si monte ma fièvre,
Ce sera l’art de ses fesses.

C’est dans mon état second
Que je ressens la déroute
Et c’est ce temps échantillon
Que je languis et redoute.

Ces face à face et dos à dos,
Peu à peu étalent ma science
Alors je me livre tout de go
Et de mes mains, je panse.

Les mots de second ordre
Trahissent mon apocalypse
Rien ne m’en fera démordre
Et que renaisse la Genesis.

Cécité vs Clairvoyance

Je ne suis pas passé par la case départ
Et je n’ai pas touché la somme due
Je suis parti avec un train de retard
Je ne sais rien de ce qu’ils ont vu.

Au fil de ces conversations surélevées
Des noms et des lieux qui sonnent creux
J’entends un livre qu’il faut avoir épelé,
C’était couru d’avance, j’ai frôlé les cieux.

Malgré moi et malgré Lui, je m’y penche
En effleurant ces socles qui s’amoncellent
J’épie ces lois qui rassemblent le dimanche
Qui pour le trio aérien, vident les escarcelles.

Il occupe l’originel et la conséquence
Durant ces siècles, où il joue l’inspiration
C’est en lui que naît la foi et la dépendance
Et aujourd’hui l’héritage, c’est ma passion.

Images et convictions parlées s’imposent
Je ferme les yeux et fais la sourde oreille
Explicites ou subliminales, en vers ou prose
Envers et contre tout me fie à ces merveilles.

De ma crypte, je sais, profite et espionne
Tous ces clichés décalés et bâtis sublimés
Par ces génies qui composent et maçonnent
Une profession de foi dans l’art les a estimés

A moi seul, je forme mon trio de primates
En écartant les doigts, scrute avec prudence
Le code d’un grand Leonard. C’est spartiate,
Mais en Adam et Eve jamais je n’aurai confiance.

dimanche, décembre 24, 2006

Marathon de l'avent

Si Noël n'existait pas, ils l'auraient inventé...


Qu'est ce qui m'a pris de bien vouloir accompagner ma mère pour qu'elle effectue ses achats de dernière minute ? Elle n'est pas la seule, il paraît que 20 % d'entre nous se ruent dans les magasins les 23 et 24 décembre pour trouver le cadeau qui fera son effet sous le sapin. A croire que ces statistiques sont erronées au vu de la fréquentation des grands magasins cette après-midi. Quoi qu'il en soit j'ai vécu une journée dont je me rappelerai longtemps et qui me servira de leçon !

En temps normal, le shopping ne me rebute pas, au contraire j'aime plutôt ça. Mais cette période pourrait dégoûter les plus dépendants au magasinage. Impossible de circuler sans se faire piétiner et bousculer et dans cet univers impitoyable le "pas de quartier" est légion. C'est à celui qui aura les épaules les plus larges et les chaussures les plus solides. Le port de la cuirasse et du pilum serait presque de mise. Les assauts des vendeurs et vendeuses en deviennent agressifs, on deviendrait presque parano.

A force de palper du porte-manteau et du présentoir de tout genre j'aurais presque pu croire que je faisais partie du mobilier. Je suis retombé sur terre quand une vendeuse m'a regardé d'un air assassin car j'avais déplié un pull qui se trouvait sur un mannequin... Je ne me permettrais pas là d'émettre une critique à l'égard de cette pauvre femme mais dieu que j'étais mal à l'aise.

Plein les yeux. Les étiquettes et vitrines : une signalétique pensée pour nous pousser à la consommation. Preuve en est, j'ai succombé à quelques conneries noëllesques qui ne me serviront jamais mais que voulez-vous j'ai gardé une âme d'enfant. Et j'ai grignoté tout au long de cette éprouvante journée. Je suis l'archétype du consommateur facile à séduire et à berner et il en faut bien des comme moi.

Trois centres commerciaux, trois pères Noël différents. Comment les bambins peuvent encore garder foi en l'homme à la houppelande rouge sang tant la mascarade est évidente ? Faut pas les prendre pour les derniers des imbéciles. Un attirail et des lutins qui changent d'une galerie marchande à l'autre, se souvient-on seulement que ces pauvres petits ne demandent qu'à y croire... Quand j'ai appris qu'IL n'existait pas, pour ma part, mon monde s'est écroulé.

Bref, la magie de noël à la sauce marketing ça va deux minutes et on ne m'y reprendra pas avant 2007. Ca frôle le grotesque et l'enchantement et il faut bien avouer que tout le monde s'y retrouve. Alors pourquoi s'en priver. Et si le grand dieu commerce ne se prêtait pas au jeu du "vas-y que je te pousse", aurions nous seulement envie d'échanger tout ce qui est trocable en cette période ? Les cadeaux comme les embrassades et accolades. Voyons le bon côté des choses, ça ne fait de mal à personne et à y regarder de plus près il semble que cette période rapproche les êtres. Même si cela ne dure qu'un temps autant en tirer partie et laissons l'alchimie agir.

Jingle Bells


samedi, décembre 23, 2006

Je bûche et ça me scie...

Deux foi l'an et ça me ruine...



Et c'est reparti pour un tour. Ils arrivent généralement sans crier gare et quand on s'y attend le moins, enfin dans mon esprit parce que le calendrier les a prévus depuis belle lurette ! Les aficionados des bancs d'amphi auront bien compris ce dont quoi je parle.

Tout au long du semestre, l'esprit s'occupe comme il peut grâce au bon vouloir du corps enseignant. Des dossiers, des exposés et des lectures recommandées histoire de récupérer une note autre que la fatidique. Oui ça nous occupe et nous angoisse si bien que les funestes vacances de noël s'annoncent comme très studieuses voire un peu trop. Trois mois de cours à bachoter en deux semaines, mine de rien ça vous cerne bon nombre de paires d'yeux ça !

Sans compter les obligations de la fin du mois de décembre qui poussent un certain nombre d'entre nous à s'attabler et à tremousser nos postérieurs jusqu'à pas d'heure et même si nos estomacs et petits petons ne nous permettent pas ces écarts, beaucoup veilleront très tard et finiront par avoir les cheveux qui poussent à l'envers...

Il nous faut donc accorder nos violons et s'organiser et c'est presque pire que se mettre la tête dans les fiches bristol... Je fonctionne comme un diesel sauf qu'une fois parti je peux facilement caler et tomber inopinément nez à nez avec la télé ou l'ordinateur qui recèlent de tant de pièges pour me faire dévier de ma destinée estudiantine.

Mais pour se faire une place au soleil et atteindre des objectifs encore un peu flous, c'est indispensable. Alors il ne faut pas rechigner à la tâche et arpenter les corridors de bibliothèques et à s'accouder à nos pauvres bureaux étroits où s'entrechoquent livres et manuels, surligneur et stylos bic. C'est à ces moments précis que tout s'emmêle : dates, peintres, musées, anecdotes, iconographies... Alors voilà à quoi se résume ma vie en ce moment :
-La vie et l'oeuvre de Rembrandt
-Emballage de cadeaux
-Les traités de peinture et d'architecture sur environ un millénaire
-Shopping de dernière minute
-La critique d'art de Baudelaire
-Appels téléphoniques pour l'organisation de ma saint Sylvestre
-Architecture contemporaine
-Autres coups de fil pour annuler des plans de cette même saint Sylvestre
-Peinture du XIXe...

Vivement la fin de ce carrousel infernal qui ne s'arrêtera pas avant la fin du mois de janvier et la bonne nouvelle c'est que ces examens commencent le lendemain de la fin des cours du premier semestre. S'ils ne se donnaient pas tellement de mal à nous faire cogiter, je croirais volontiers qu'ils veulent nous faire échouer à tout prix.

Faut qu'j'travaille

jeudi, novembre 09, 2006

A l'abordage !

Visite improvisée...

Une visite dans les entrailles de la danse, c'est pas tous les jours qu'on peut se le permettre. Mais on a eu de la chance, c'était assez mal barré. Notre prof' d'archi contemporaine nous a gracieusement invités au festival du film de l'architecture et de l'espace urbain. En arrivant nous sommes priés de nous installer dans l'auditorium pour visionner un film de 147 minutes sur un thème ô combien passionnant : L'agonie de petits villages chinois qui se verront bientôt submergés par les eaux, suite à la construction du plus gros barrage hydroélectrique du monde sur le fleuve Yangzi Jiang... Pas forcément emballés mais avec toute la bonne volonté du monde, on se plonge dans le documentaire louangés par de nombreuses critiques et récompensés maintes fois dans divers festivals.

Au bout de cinq minutes, c'était insoutenable, des chinois qui parlaient et hurlaient en chinois à propos de choses chinoises qui n'avaient aucun rapport avec quelques urbanisme ou architecture que ce soit ! La prof s'éclipse, nous la suivons, je l'aurais suivie partout, et aveuglément, pour sortir de là. La Providence nous sourit, une organisatrice de l'évènement nous permet d'accompagner la prof pour aller visiter le flambant neuf centre chorégraphique d'Aix en Provence.


Nous voilà partis pour de grands espaces pensés, maîtrisés et agencés, tout ce que j'aime. Certes, le bâtiment s'accorde assez difficilement avec l'espace urbain, mais qu'importe, l'architecte, de nos jours a tellement de mal à s'exprimer librement alors laissons-là ces questions de rapport avec le terrain et d'espace environnant et délectons nous.

Une fois pénétré dans le bâtiment, il faut quelques secondes au visiteur pour comprendre ce qui lui arrive. Cette construction, tout de verre vêtue qui semble capter la lumière comme un aimant possède un rez-de-chaussée des plus sombres, seulement éclairé par des luminaires spécialement pensés pour l'occasion. Le mobilier a aussi été conçu dans le seul but d'aménager l'édifice. (Mention spécial pour la ligne de fauteuils-poufs amovibles qui s'emboîtent et se déboitent à l'infini pour le bon plaisir de nos postérieurs.) Nous sommes invités à évoluer au coeur du rez-de-chaussée où l'administration est installée et travaille d'arrache-pied pour mener le navire à bon port. Nous nous avançons lentement mais sûrement scrutant chaque détail dans ce Styx aux allures inquiétantes.

Au pied de l'escalier, on s'aperçoit à quel point la structure rejetée à l'extérieur est bien pensée. Elle court le long de la façade et vient encadrer les axes de circulation principaux : les escaliers. Les espaces intérieurs sont un immense plateau libre. Ils permettent d'agencer les salles grâce à des parois amovibles, ainsi les élèves de M. Preljocaj peuvent s'adonner à leurs voltiges, vols planés, tourneboulades et autres virevoltes...

La suite de la visite a trouvé son intérêt dans l'exploration des profondeurs du bâtiment. Avant d'accéder à la salle de spectacle, un vestibule aussi sombre qu'une cale de navire arbore un grand mur noir affichant un lé horizontale de tags. Il s'agit d'un mur de fondation existant que l'architecte a voulu conservé. Original mais tellement architectural et prévisible. La salle de spectacle - monochrome - est de taille moyenne, et peut accueillir 400 personnes. La scène offre une sensation de proximité ce qui ne peut que servir la danse contemporaine, certainement trop intellectuelle et trop lointaine pour les amateurs que nous sommes.

Une sombre visite qui a éclaircit ma journée, la prochaine étape sera la salle de spectacle du pays d'Aix ou p'têtre ben quelques autres merveilles d'architecture davantage classicisantes plus au nord...

Sur Le Même Bateau

samedi, novembre 04, 2006

Et la Couleur fut

S'y rendre pour la forme et revenir enchanté.

Si je n'y allais pas, franchement, la honte quoi ! Toute l'année ils nous ont bassinés avé' l'exposition de la décennie, celle qu'il ne fallait absolument pas manquer ! Alors parce que j'ai pu avoir un billet (merci Céline !), je m'y suis rendu le dernier jour. Avec l'espoir de pouvoir circuler tranquillement mais que nenni ! La billeterie, jointe par téléphone nous impose un horaire alors un rendez-vous est convenu : devant le musée à 16h30 en ce beau jour de septembre... Les formalités, nous voilà débarasser de nos effets personnels et on peut enfin pénétrer dans l'antre du Musée Granet.

Une fois le détecteur de métaux franchi et après avoir compris le cheminement que nous devions emprunter nous nous retrouvons dans une salle de taille moyenne eclairée d'une baie vitrée dans son angle nord-ouest. Outre les éclairages artificiels, cette percée de lumière embaume la pièce d'une aura particulière. Les cadres exposés se trouvent baignés dans une ambiance aérée toute étherienne. Ces cadres de bois massifs tranchent avec le blanc clinique des murs. Les oeuvres du rez-de-chaussée sont l'exposition permanente et le musée nous sert ici sur un plateau d'argent le savoir-faire des écoles flamande, hollandaise ou italienne. Qu'on me pardonne mais seul ici Pierre de Cortone a e les faveurs de ma pauvre mémoire embuée par ce tourbillon de couleurs.

Les deux salles suivantes qui nous conduisent à un modeste escalier, conservent des oeuvres au goût de Renaissance et laissent derrière elles le moyen-âge. Des personnages nous fixent de leurs regards centenaires et arborent fraises et autres vertugadins en tambour des plus raffinés.

Parcourir un musée ou comment traverser les âges sans effort.

L'escalier se pare de trois oeuvres transitoires et pas des moindres. Elles trônent fièrement et nous toisent de leur signature ô combien fameuse et dont elles peuvent être fières. Trois toiles de M. Ingres qui s'offrent comme pour s'excuser de nous avoir fait attendre et qui précèdent directement le pourquoi de notre venue... Le portrait de M. Granet, Jupiter et Thétis et une aquarelle qui laissent pantois tant la technique est maîtrisée et les contours si léchés. Si la direction avait pour but, en les suspendant ici-même, de nous accomoder au génie, c'est réussi... Mais si l'amorce de l'exposition est envoûtante, la suite n'en sera que plus fascinante et enchanteresse...

Pour être tout à fait franc, la disposition exacte des oeuvres et leur répartition dans les salles, je les ai un peu oubliées mais qu'importe ! L'essence même d'une exposition ce n'est point la composition spatiale (même si monsieur le conservateur du musée a dû se faire un tas de cheveux blancs), mais bien l'effet que les oeuvres provoquent sur le spectateur.

En revanche ce qui m'a frappé, c'est cette soudaine profusion de couleurs dans un endroit si neutre. C'est le propre d'un musée finalement : s'effacer pour laisser la part belle à l'oeuvre d'art...

Entrons dans le vif du sujet, la raison de notre venue, le coeur même du musée pendant ces quelques mois. Monsieur Paul Cézanne fait se déplacer les foules ! Une exposition pour commémorer le centenaire de sa mort. Quelle belle occasion que la mort d'un artiste pour montrer au public ce qui a fait de lui l'unique ! On aime ou on aime pas mais il faut reconnaître qu'il n'était pas que peintre mais bien presti... presdi... gi... ta...teur, enfin un magicien quoi. Un magicien de la couleur.

N'est-il pas le premier à ressentir cette couleur en tant que telle et sans se soucier de la forme. Oui, c'est un précurseur et les artistes d'avant-garde du XXe siècle reconnaîtront en lui leur maître à penser... et à voir. Ses croûtes lui vaudront de méchants mots, des menaces de mort et certains n'hésiteront pas à glisser les critiques véhémentes des journaux parisiens sous sa propre porte. Ces mêmes voisins retourneront leur veste à la fin de la vie du peintre quand celui-ci se verra enfin reconnu par ceux qui font l'art, là-haut dans la capitale.

Cette exposition est un vrai plaisir du début à la fin. Tout y est, ses brouillons, ses études, ses croquis, ses aquarelles, ses huiles tout ce qui a fait sa carrière. Des oeuvres venues des quatre coins de la planètes : Washington, New-York, Munich, Denver, Malibu ou encore St Petersbourg... Comment retranscrire avec des mots ce que ses toiles émanent. Au prime abord dubitatif, voire réticent j'ai hésité à me rendre à cette exposition, Cézanne me laissant parfois perplexe. Mais tout est si clair et limpide quand on se retrouve devant un paysage ou un portrait cézannien. Tout est là : les intentions, les émotions, les amours, les angoisses... Les crevasses, craquelures ou rehauts de couleurs entament un dialogue avec le visiteur et elles ont tant à dire...

Cézanne, à travers sa peinture, a fait résonner le chant des cigales dans le monde entier. Ce dernier a pu découvrir cette terre mauvre et ocre si particulière qui ne ressemble à rien d'autre. Cent ans plus tard, le XXIe et Aix siècle accueillent en leur sein plus de 400 000 visiteurs en quelques semaines. Seul bémol, des toiles fameuses descendues de leur cadre ont du retourner chez leur propriétaire pour d'obscures raisons.

Je me suis délecté de Cézanne comme on déguste un pot de Nutella : Tout doucement, on apprécie chaque cuillère et quand on y va petit à petit, l'écoeurement est impossible !

Cézanne Peint

Je crois boire un vin de Bohême [...]

Critique Partiale, Politique et Passionnée...

Trop longtemps, son oeuvre ne se résumait qu'à ces poèmes qui ont révolutionné le vers de la langue de Molière... Mais Charles Baudelaire n'est pas de ces hommes de lettre qui ne se cantonnent qu'à un seul domaine. Il eût été dommage qu'une plume aussi aiguisée et agile ne s'essaye pas à la critique d'art ! J'ai été contraint de lire un auteur qui ne me tentait guère : contre mon gré, j'ai donc entamé ce florilège de critiques rassemblées pour le bonheur du lecteur averti. Je me dois de faire mon mea culpa... Comment ai-je pu, jusque-là, me considérer étudiant en histoire de l'art, sans avoir lu un texte qui porte en lui les fondements modernes d'une vision de l'art ?

Rempli de parti pris, cet homme n'en est pas moins un des plus grands critiques d'art qui aient pu exister. Tellement de superlatifs pourraient le qualifier tant cet homme était l'excès personnifié sans son travail ! Le travail qui est d'ailleurs une de ces notions qu'il dit haïr, tout comme la procréation qu'il met dans le même panier. C'est pour cette raison qu'il va prôner les figures du Dandy - qui n'a dautre but que celui de parcourir nonchalemment la piste du bonheur - et de la Lesbienne - qui a bien d'autres chattes à fouetter que de se préoccuper d'enfantement - et c'est pourquoi ces modèles de vie vont lui servir dans la quête d'un idéal esthétique.

Sortir du lot et faire sa place au soleil...

Ce XIXe siècle est un vivier de boucs émissaires auxquels l'auteur va s'attaquer dans un souci de reconnaissance... Et pour ce faire il n'hésite pas à s'en prendre à des pointures tels Victor Hugo ou Horace Vernet. Est-ce qu'on peut penser l'écrivain prétentieux pour prétendre posséder la science infuse et ainsi décrier ces hommes chéris de tous ? On peut légitimement se poser la question mais il n'en est rien. Il se devait de passer par ce stratagème tant la littérature de cette époque a offert à ses contemporains un nombre incalculable d'hommes de plume.

Il a porté aux sommets un certain Eugène Delacroix dont il a fait un héros moderne et romantique pour tenter de dévoiler l'illusion d'un monde faussement comblé par le dieu progrès. La nature n'est plus salvatrice. Il faut rendre compte d'un aller simple vers un avenir noirci par l'idée que le retour vers un âge édenique est impossible. Le peintre va illustrer les idées profondément ancrées de son alter ego de lettre. Baudelaire va s'approprier l'oeuvre de Delacroix pour en faire un poète de la vie moderne et ainsi dénoncer ces dogmes qui aveuglent le peuple depuis trop longtemps.

J'ai dévoré ces quelques 500 pages et m'apprête à commencer les fleurs du mal qui ne me décevront pas, j'en suis sûr. Aborder ces poèmes qui cinglent et fouettent me fait saliver. Je n'aurai pas assez des quelques pauvres dizaines d'années qui me reste pour sonder l'esprit ô combien compliqué et passionnant de ce grand monsieur qui savait manier l'entre-deux-lignes comme personne. Je m'ordonne au moins de rattraper le temps perdu...

[...] Amer et vainqueur