jeudi, avril 19, 2007

Place des Grands Hommes

On s'était dit rendez-vous dans cinq ans.




J'ai du passer quelques centaines de fois devant le Musée Fabre pendant mes trois ans à Montpellier, sombre baraque en retrait toujours cachée par une vulgaire palissade de métal. Jolie façade sans prétention mais qui ne donnait absolument pas envie de pénétrer le bâtiment... Un chantier quoi.

J'ai eu l'occasion de visiter l'annexe du musée en 2005 lors d'une exposition sur la restauration d'un tableau mais quelle déception, aucune oeuvre majeure et rien ne m'a marqué si ce n'est le fameux tableau qui faisait peau neuve pendant l'évènement sous les yeux passionnés des visiteurs. Ce tableau trône aujourd'hui dans la cage d'escalier du nouveau musée Fabre. On ne peut en apprécier la teneur symbolique qu'en l'admirant du premier étage, accoudé sur la rembarde de l'escalier. Au Salon Carré Du Louvre exécuté par Louis Béroud en 1883, nous plonge dans une ambiance feutrée et chuchotante, telle que doit l'être - de convention - un vrai musée qui se veut reflet du respect muet que l'on accorde aux artistes de ces lieux et d'ailleurs.


Le jour de la visite du Nouveau Musée Fabre, j'ai été frappé par la différence du semblant de ruine devant lequel j'avais l'habitude de passer et cette blanche façade précédé d'une superbe pelouse golfesque. Quel choc ! Et cette allée striée par Buren montre le chemin à suivre, celui d'une aire entièrement vouée au beau. Une allée qui fait de chacun de nous un esthète capable d'aimer des toile recouvertes de couleurs soigneusement sélectionnées et mixées par des hommes et des femmes passionnés. Plus de 800 oeuvres réparties sur plus de 9000 m² autant dire que quelques heures sont recquises pour en apprécier le contenu.

Après avoir traversé un sas aux couleurs agressives mais tellement aguicheuses, on pénètre dans le hall, résolumment moderne. Suis-je le seul à avoir eu cette impression ? Celle de me retrouver dans le cratère d'un volcan. Des couleurs caverneuses, le béton et un carrelage noirâtre se mêlent à un mobilier et une signalétique aux couleurs sanguines. Un climat bouillant qui transporte le visiteur aux confin des entrailles de la terre, tenaillé par l'angoisse affriolante de la roche volcanique et du magma en fusion. Une fois dépassé le controle des cerbères de la sécurité, les hôtes de ces lieux empruntent une rampe à pente douce qui conduit dans un grand espace superbement éclairé par une verrière des plus généreuses. Une seule sculpture trône au mileu de la pièce et l'habille royalement.

C'est par cette grande salle que l'on accède à la première partie de la collection. Cinq pièces entièrement consacrées à la peinture flamande et hollandaise. Bien que peu enclin à m'en délecter, car trop légèrement inspiré, je me prends au jeu et commence avec un plaisir non feint à parcourir ce circuit. Des noms qui ne vous sont certainement pas étrangers fouettent mon regard comme Bruegel, Rubens. Les natures mortes m'ont vraiment captivé, cette aptitude à reproduire tellement fidèlement la chair d'un fruit ou un reflet sur de la vaisselle en étain est proprement stupéfiante. Un tableau a particulièrement capté mon attention, malheureusement le nom de l'artiste m'a échappé : Une femme âgée vêtue de noir sur un fond non moins sombre arbore une fraise si minutieusement peinte qu'on la jurerait appliquée sur la toile par DAO tant la finition atteint une perfection envoûtante. Ce mot n'est pas de trop, j'ai été happé par l'absolue finition de cette merveille... La violence qui émane de certaines toiles est assez terrifiante, notamment dans certaines scènes de chasse ou viscères et boyaux n'hésitent pas à s'exposer au vu et au su de tous les visiteurs, à hauteur d'yeux des amateurs d'art en culotte courte. Des paysages italianisants se succèdent dans une atmosphère tout septentrionale dans des pays où les couleurs se devinaient plus qu'elles ne se copiaient.

Une fois sortis de cette série de pièces, nous filons droit vers le fameux escalier pour accéder à la collection de l'époque moderne. Des pièces percées de fenêtres, plus hautes, plus épurées mais non moins intéressantes. Le premier tableau sur lequel j'ai posé les yeux était un pastiche tout à fait original du Jugement Dernier de Michel-Ange. Des personnages aux muscles si saillants que cela en devient presque dérangeant mais j'ai réellement apprécié cette toile. Face à elle, une toile de - je vous le donne en mille - Véronèse, une femme à la chair tendre et laiteuse dont il avait le secret. La salle suivante arbore sur ses murs des artistes comme Vouet, Le Dominicain, Blanchard, Bourdon. Les oeuvres de ce dernier, protégé de François-Xavier Fabre sont très présentes sur les murs du musée. Suit une petite pièce, une sorte de sas, qui présente en son sein une vitrine où s'alignent des reproductions miniatures de sculptures ayant traversé les siècles : L'Apollon et Daphnée du Bernin, la Statue Equestre d'Henri IV, celle qui toise de son haut les passants du Pont-Neuf à Paris. Les salles suivantes abritent encore beaucoup de tableaux de Bourdon et un certain nombre de portraits.

Je vais à partir de maintenant cesser de décrire chacunes des pièces qui composent le musée pour laisser le plaisir aux futurs arpenteurs mais simplement énumérer quelques-uns des artistes qui ont eu les faveurs de ma mémoire : David, Vien, Delacroix, Houdon, Vigée-Lebrun, Manet, Bazille, Denis, Hugo, Viallat, Soulages, Hantaï et bien sur Courbet... Ces quelques génies se font la part belle dans une collection réellement exceptionnelle, au sein de laquelle toutes les pièces valent le coup d'oeil. Ah j'allai oublier, cette superbe galerie où trois oeuvres de Coypel relatant l'histoire d'Enée et Didon occupe une large surface d'un côté du mail. Des bustes de Coysevox sont venus se nicher entre les colonnes de stuc qui s'imposent massivement aux extrémités de la galerie.

Je ne m'étendrai pas non plus sur l'exposition temporaire qui fut un vrai enchantement grâce à un guide avisé qui sait faire naître l'interêt, voire la passion. Un hommage au galeriste Jean Fournier, disparu en 2005, qui a fait connaître au grand public des artistes tels Hantaï ou Viallat et il est à noter qu'il a renforcé le mouvement Supports-Surfaces. Une visite éclairante.

Je me suis rendu trois fois (merci la carte d'étudiant en art) en quelques jours dans cet havre de paix, j'ai vraiment eu un coup de coeur. Et puis dans les musées, il y a toujours cette impression que tout ce qui les habite ne vous veut que du bien.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

ca laisse vachement envie d'y aller. mais bon faut etre un peu initié je pense...