vendredi, août 04, 2006

Ekphrasis

La parcourir des yeux.


- Arrivée de Marie de Medicis au port de Marseille -
- Rubens - Louvre - 1622 - h/t

Il y a-t-il quelquechose de plus grisant et prétentieux ? Décrypter, désosser, analyser à s'en user la cornée pour saisir le pourquoi du comment, l'intention, la démarche et de quelle manière l'artiste a procédé. Et se réserver le droit de savoir pourquoi il a usé de telle couleur et a préféré la composition pyramidale à une ordonnance moins classique...

Adepte de la vieille école, je ne me fie qu'à ces thèmes instaurés par l'Académie Royale et ce qui a fait trembler ses bases après les évènements qui ont fait que ce bon vieux Louis XVI et son autrichienne d'épouse aient eu des ennuis jusqu'au cou. Le reste m'importe peu ou me fascine moins. Je me sens plus à mon aise quand il s'agit de plonger dans l'oeuvre d'un Poussin, Strozzi ou Le Guerchin plutôt que dans celle d'un Spoerri, Tinguely ou Oldenburg. C'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures confitures.

Un peu de culture, comme dirait l'autre : Une hiérarchie immuable imposée par cette même Académie pour conserver ces p'tits jeunes dans un carcan et garder un oeil sur la morale qui fout le camp assez rapidement, même à l'époque. En haut de l'échelle, la peinture d'histoire qui consacre sa palette aux sujets mythologiques, religieux et faits historiques. Suit la peinture de genre qui illustre des scènes de la vie quotidienne et enfin le portrait, le paysage et la nature morte. Bien entendu, les cadres 16/9 sont réservés aux sujets qui en valent la peine et les natures mortes se voient enfermés dans des cadres pocket.

Fureter les repères et indices iconographiques pour mettre un nom sur un visage... Hermès ou Apollon ? Athena ou Aphrodite ? Nymphe ou Néréide ? Allégorie de la philosophie ou de la Charité ? Charle Quint ou François Ier ? Déloger un sens caché ou la signification déguisée d'un élément au prime abord futile, est un travail de longue haleine. Certaines oeuvres ont été passées au crible par des historiens de l'art dont la réputation n'est plus à faire mais laisse encore tout ce beau monde perplexe. Bien sûr les interprétations tordues et romancées à l'extrême de certains best-sellers sont loins d'être monnaie courante et pour ainsi dire inexistantes. Mais ça n'en reste pas moins passionnant et cela ressemble plus à un casse-tête chinois qu'à un rébus de la page jeux junior du télé-loisirs.

Flatter l'égo démesuré du commanditaire (oui celui de la maîtresse officielle d'un de ces souverains pontifs, vous savez ceux qui ont fait voeu de chasteté ?), appuyer une propagande pour soutenir la Contre-Réforme : Telles étaient les motivations principales de ces faiseurs de croûtes en série. Bien entendu, le marché de l'art se développant, les motivations etaient également d'ordre pécuniaire. Déja à cette époque, l'expression "Pour l'amour de l'art" connaît ss limites.

L'image que l'on se fait d'un grand artiste est souvent celle d'un être solitaire et humble, qui ne trouvait son inspiration que dans le calme absolu d'un atelier éclairé par une centaine de bougies. Mais les Michel-Ange ou autres Raphaël avaient aussi leurs exigences. 'Faut pas croire tout ce qu'on vous raconte : C'est pas Mariah Carey qui a inventé le caprice de star. Peindre des toiles dans des bordels accompagnés de filles de joie ne les gênait pas outre mesure. Sans citer de noms (sur Google, taper Bacchus et cliquer sur la première image...), on peut affirmer que parmi ces vedettes on trouvait des tueurs en série censés purger des peines de prison mais relâchés parce qu'une des toiles du-dit meurtrier a fait pâlir d'émotion le tout-Rome. Guy Drut non plus, n'a pas inventé le copinage qui sort de l'impasse.
Ekphrasis : mise en phrases qui épuise son objet, et désigne terminologiquement les descriptions, minutieuses et complètes, qu'on donne des oeuvres d'art.
L'oeuvre d'art n'est pas simplement un dessin bien fini ou un type qui sait bien manier le blaireau et la truelle. Derrière la fonction même de l'esthétisme, se terre l'essence de l'artiste qui déposait tout ce qu'il avait à proposer sur sa palette : ses tripes, ses amours, ses angoisses, ses interrogations, ses comptes à régler... L'historien de l'art ne s'arrête plus aux considérations bien trop terre à terre d'une composition floue ou de proportions qui laissent à désirer. Cela va au-delà de ça, l'artiste n'offre pas que son talent et son doigté mais bien son âme toute entière qui fait qu'il est homme.

Ils fascinent et fascineront. Mais à l'époque qui l'eut cru ? Guido Reni, Simon Vouet se doutaient-ils que leurs oeuvres et personnalités soulèveraient des questions qui iront jusqu'à pousser de jeunes gens à user leur fond de culotte sur les bancs des universités de la terre entière, sans même que ces derniers aient à user de fusain ou de gomme arabique ? J'en doute, mais c'est une autre histoire.
Dessine-moi un mouton...

2 commentaires:

Crush a dit…

J'adore te lire.

Anonyme a dit…

J'aurais envie de dire la même chose. L'article est assez long, et pourtant je l'ai lu en entier sans peine (tu détiens un record!)